Les lipides et les acides gras
Les lipides rentrent dans la composition de la paroi de toutes nos cellules, ils servent à fabriquer de nombreux médiateurs chimiques (comme des hormones), à stocker ou produire de l’énergie.
Notre alimentation doit comporter les acides gras essentiels oméga-6 et oméga-3. On ne peut pas manquer d’oméga-6, par contre on peut manquer d’oméga-3.
Les sources végétales d’oméga-3 sont principalement : l’huile de colza, de lin, de noix, de micro-algues, ainsi que les noix, le soja, les graines de lin, de chia et de chanvre. On en trouve aussi en petite quantité dans les légumes à feuille, comme le pourpier ou la mâche, et dans certaines algues.
Nos besoins quotidiens en oméga-3 sont couverts par :
- 2 cuillères à soupe d’huile de colza
- ou 1 cuillère à soupe de graines de lin broyées ou de graines de chia
- ou 1 cuillère à café d’huile de lin
- ou une capsule d’opti3 (huile de micro-algues)
© Victoria Shibut | Dreamstime.com
1. Qu’est-ce qu’un acide gras ?
Les acides gras sont des lipides. Un lipide est une molécule organique hydrophobe ou amphipathique (qui possède une partie hydrophobe, une autre hydrophile). Ces propriétés chimiques en font des constituants fondamentaux des membranes cellulaires.
Les acides gras sont composés d’une chaîne d’atomes de carbone, se terminant à une extrémité par un groupe carboxyle (-COOH), à l’autre extrémité un groupe méthyle (-CH3).
Il existe plusieurs façons de classer les acides gras.
1.1. La saturation
En biochimie, une molécule est dite saturée si elle ne comporte ni double liaison, ni triple liaison, ni cycle.
- Acide gras saturés : aucune double liaison
- Acide gras monoinsaturés : une double liaison
- Acides gras polyinsaturés : plusieurs doubles liaisons
1.2. La position des doubles liaisons
On classe aussi les acides gras insaturés en fonction de la position de la première double liaison en comptant à partir du groupe méthyle. « oméga-3 » (ω-3) signifie que la première double liaison en partant du groupe méthyle est la troisième (située entre le 3e et le 4e carbone). On trouve dans les aliments des ω-3, 6, 7 et 91.
1.3. La forme géométrique
Cette classification ne concerne que les acides gras insaturés. Les atomes de carbone qui forment une double liaison ne sont liés qu’à un atome d’hydrogène chacun. Si les deux atomes d’hydrogène sont du même côté, la liaison est cis (la double liaison produit une courbure de la molécule) ; s’ils sont chacun d’un côté opposé, la liaison est trans (la double liaison ne produit pas de courbure). Les acides gras possédant au moins une double liaison trans sont appelés acides gras trans.
Les acides gras trans de l’alimentation proviennent de deux sources. D’une part, le lait et la graisse corporelle des ruminants. En effet, les bactéries du rumen des ruminants en produisent et ils constituent environ 5 % des graisses des ruminants. D’autre part, des graisses partiellement hydrogénées. L’hydrogénation consiste à placer une huile sous une atmosphère d’hydrogène à forte pression et température, afin de casser les doubles liaisons et de les remplacer par des liaisons simples carbone-hydrogène. Au cours de l’hydrogénation se forment des acides gras trans.
Si le processus de saturation est poursuivi à son terme, tous les acides gras sont devenus saturés : il n’y a plus de double liaison donc plus d’acides gras cis ou trans. S’il est interrompu avant terme (on parle d’huile « partiellement hydrogénée »), alors demeurent des acides gras trans, qui sont mauvais pour la santé (cardiovasculaire notamment). Les matières grasses partiellement hydrogénées sont donc à éviter autant que possible.
Les acides gras trans des ruminants ne semblent pas avoir la nocivité des acides gras trans artificiels (Gebauer et al. 2011).
1.4. Illustration : l’acide cis-linoléique (polyinsaturé oméga-6)
Acide cis-linoléique en formule développée
L’acide gras cis-linoléique en formule topologique
2. Les acides gras essentiels
Comme nous l’avons dit en introduction, notre corps peut synthétiser tous les acides gras à partir de glucides ou d’autres acides gras à l’exception de deux qui sont, de ce fait, qualifiés d’essentiels : l’acide linoléique (un ω-6) et l’acide α-linolénique (ω-3)2.
Ces acides gras sont essentiels pour tous les animaux. Inversement, tous les animaux peuvent fabriquer les acides gras saturés et mono-insaturés. Cependant, certains animaux, comme les chats, sont incapables de fabriquer certains ω-6 et ω-3 à très longue chaîne (voir https://www.asso-pea.ch/fr/vivre-vegane/nutrition/les-chiens-et-les-chats/alimentation des animaux domestiques).
Outre leur rôle structurel, les ω-6 sont importants pour la croissance des enfants, la coagulation du sang, le déclenchement de l’inflammation, l’imperméabilité de la peau. Les ω-3 sont importants pour la croissance et le fonctionnement du cerveau, de la rétine, la fluidité du sang et l’arrêt de l’inflammation. À partir des ω-6, le corps fabrique des molécules pro-inflammatoires ; à partir des ω-3, des molécules anti-inflammatoires.
Les médicaments anti-inflammatoires agissent en bloquant l’enzyme qui convertit l’acide arachidonique (un ω-6) en messagers chimiques pro-inflammatoires.
2.1. Ratio ω-6 : ω-3
Les occidentaux tendent à consommer trop d’ω-6 et pas assez d’ω-3. On estime qu’ils consomment dix à vingt fois plus d’ω-6 que d’ω-3, soit un ratio de 10:1 à 20:1, alors que le ratio idéal se situe entre 5:1 et 2:1 (de Lorgeril et al. 1999).
Un ratio bas a un effet protecteur contre les maladies cardiovasculaires, certains cancers, la dégénérescence maculaire de la rétine, certaines maladies inflammatoires, le déclin cognitif (ANSES, 2011).
Plusieurs études épidémiologiques ont montré que les végétalien-ne-s ont un moins bon ratio que les personnes consommant des produits animaux (par exemple, Sanders et al. 1992), grosso modo 15:1 contre 10:1. En effet, les huiles représentent une plus grande proportion de leur apport en lipides et la plupart des huiles du commerce (tournesol, maïs, carthame, pépin de raisin, coton) sont trop riches en ω-6. C’est pourquoi nous recommandons comme huiles d’usage courant l’huile de colza, bien mieux équilibrée (2:1) et l’huile d’olive, très pauvre en ω-6 (et en ω-3), et qui contient surtout des ω-9.
2.2. Les acides gras ω-3 à très longue chaîne
Il s’agit principalement de l’EPA (acide eicosapentaénoïque) et du DHA (acide docosahexaénoïque). Nous fabriquons le DHA à partir de l’EPA et l’EPA à partir de l’acide α-linolénique ou à partir du DHA (par rétroconversion). Quand l’apport en acide α-linolénique est suffisant, la production d’EPA l’est aussi. Par contre, la production de DHA est plutôt limitée et il y a actuellement un débat considérable pour savoir si notre synthèse endogène est suffisante ou s’il est souhaitable de consommer du DHA directement. Les études sur le sujet sont contradictoires et ne permettent pas de trancher (Norris & Messina, 2011). Cela étant dit, l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) propose un ANC de 250 mg par jour pour le DHA (ANSES 2011, p. 27).
EPA et DHA se trouvent principalement dans les aliments d’origine marine : les poissons, mais également les algues (qui contiennent un peu d’EPA) et les micro-algues, desquels on extrait une huile très riche en DHA.
De nombreux enfants végétaliens, nés de femmes végétaliennes, ont grandi sans problème et en bonne santé sans consommer de DHA. Des études réalisées avant que le grand public ne se préoccupe des ω-3 ont montré que les enfants végétaliens avaient une croissance et un développement psychomoteur semblable à leurs homologues non végétalien-ne-s (O’Connell 1989). On peut donc, sans trop s’avancer, en conclure que les personnes jeunes fabriquent suffisamment de DHA pour être en bonne santé. Cela ne signifie pas pour autant que la quantité produite soit toujours optimale.
2.2.1. Taux de DHA
Le taux sanguin de DHA dépend de facteurs alimentaires mais aussi d’autres facteurs comme le sexe (les femmes fabriquent plus facilement le DHA que les hommes), la génétique et l'âge.
Plusieurs facteurs peuvent augmenter le taux sanguins d’ω-3 à très longue chaîne. Comme plusieurs études épidémiologiques (comme Rosell et al., 2005 et Kornsteiner et al., 2008) ont montré que les végétalien-ne-s avaient des taux sanguins de DHA inférieurs à ceux des non végétalien-ne-s (qui n’ont pourtant pas un apport optimal en ω-3), augmenter sa synthèse endogène de DHA nous semble important.
- Éviter les apports en lipides supérieurs à 35-40 % de l’apport énergétique (Davis et Kris-Etherton, 2003).
- Avoir un apport en acide α-linolénique supérieur aux apports conseillés (qui sont de 1,8 g). Il semble qu’il faille au moins 3 g d’α-linolénique par jour pour faire monter les taux sanguins de DHA.
- Avoir un ratio ω-6/ω-3 bas. Les mêmes enzymes servent à fabriquer les ω-6 et les ω-3 à longue chaîne. Un excès d’ω-6 inhibe la synthèse de l’EPA et du DHA.
- Les flavonoïdes présents dans les fruits et les légumes (Toufektsian, 2011) et le vin (De Lorgeril 2008, Di Guiseppe 2008) semblent favoriser la synthèse endogène de l’EPA et du DHA.
- Consommer de l’huile de micro-algues, qui contient directement du DHA.
- Éviter le tabac (Marangoni et al., 2004).
2.2.2. Populations bénéficiant le plus d’un apport en DHA
Une conférence de consensus sur les besoins en lipides des femmes enceintes et allaitantes a établi un ANC de 200 mg par jour (Koletzko et al. 2007). Nous conseillons donc aux femmes enceintes de consommer au moins 200 mg de DHA sous forme d’huile de micro-algues.
Il n’existe à l’heure actuelle aucune donnée sur les besoins spécifiques des personnes âgées. Cependant on sait que la synthèse endogène décline avec l’âge, il est donc vraisemblable que les végétalien-ne-s âgé-e-s tirent bénéfice d’un apport en DHA.
3. Apports nutritionnels recommandés en acides gras
Ce qui compte n’est pas tant la quantité totale de lipides que leur qualité. Comme source d’énergie, glucides et lipides sont globalement interchangeables. Les apports recommandés vont de 20 % à 40 % de l’apport énergétique (OMS, 2003), soit de 40 g à 80 g pour une femme modérément active et de 53 g à 107 g pour un homme modérément actif.
Pour ce qui est des différentes sortes d’acides gras, les apports conseillés sont :
Acides gras saturés : 12 % de l’apport énergétique au plus. Les végétalien-ne-s consomment environ moitié moins d’acides gras saturés que les personnes non végétaliennes (FNB 2005, p. 835) et n’ont donc pas à se faire du souci de ce côté là.
Acides gras monoinsaturés (il s’agit essentiellement acide oléique) : 15 % à 20 % de l’apport énergétique. Les meilleures sources d’acide oléique sont les fruits oléagineux : olive, noix, noisette, amande, avocat… et certaines huiles (olive, colza…). Ainsi, il faudrait que les acides gras monoinsaturés constituent au moins la moitié de nos apports de lipides, ce qui est relativement facile pour un-e végétalien-ne.
Acides gras polyinsaturés : au moins 5 % de l’apport énergétique.
Dont :
- 4 % de l’apport énergétique pour l’acide linoléique.
- 1 % de l’apport énergétique pour l’acide α-linolénique, soit de 2 g à 3,3 g. Pour les végétalien-ne-s ne consommant pas de DHA, l’apport recommandé est plutôt de 1,5 %, soit de 3 g à 5 g.
- 200 mg de DHA au moins pour les femmes enceintes, allaitantes et les personnes âgées.
Avec ratio ω-6:ω-3 inférieur à 5:1. Ce ratio est souvent supérieur à 10:1 chez les végétalien-ne-s, il convient donc de choisir judicieusement ses corps gras, à savoir : consommer des fruits oléagineux, du lin (1:4), et opter pour les huiles d’olive et de colza (2:1).
4. Les aliments riches en lipides
Il s’agit des oléagineux et des matières grasses ajoutées.
Apport en énergie
Fruits oléagineux : pour 30 g d’aliment |
Énergie (en Kcal) |
Lipides (en grammes) |
---|---|---|
Noix de Grenoble, noix de cajou, amandes, noisettes,… |
180 à 210 |
15 à 20 |
Graines oléagineuses : pour 1 cuillère à soupe (10 g) |
Énergie (en Kcal) |
Lipides (en grammes) |
---|---|---|
Graines de chia, lin, chanvre, sésame, courge,… |
40 à 60 |
3 à 5 |
Huiles végétales : pour 1 cuillère à soupe (15 g) |
Énergie (en Kcal) |
Lipides (en grammes) |
---|---|---|
Huile de lin, colza, olive, noix,… |
135 |
15 |
Apport en oméga-3
Fruit oléagineux : pour 30 grammes (6 noix) |
Oméga 3 (en grammes) |
---|---|
Noix de grenoble | 2,6 |
Graines olégineuses : pour une cuillère à soupe (10 gammes) |
Oméga 3 (en grammes) |
---|---|
Lin (moulu) |
2,2 |
Chia |
1,7 |
Chanvre |
0,8 |
Huiles : pour une cuillère à soupe (15 grammes) |
Oméga 3 (en grammes) |
---|---|
Lin |
7,3 |
Chanvre |
2,5 |
Colza |
1,5 |
Noix |
1,4 |
Pierre Sigler
Références
- Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (France). 2011. Actualisation des apports nutritionnels conseillés pour les acides gras : rapport d’expertise collective. Maisons-Alfort : ANSES.
- Davis, B.C. and Kris-Etherton, P.M. (2003). Achieving optimal essential fatty acid status in vegetarians : current knowledge and practical implications. The American Journal of Clinical Nutrition, 78(3 Suppl), p. 640S–646S.
- de Lorgeril, M. et al. (1999). Mediterranean diet, traditional risk factors, and the rate of cardiovascular complications after myocardial infarction : final report of the Lyon Diet Heart Study. Circulation, 99(6), pp. 779–785.
- de Lorgeril, M. et al. (2008). Interactions of wine drinking with omega-3 fatty acids in patients with coronary heart disease : A fish-like effect of moderate wine drinking. American Heart Journal, 155(1), pp. 175–181.
- di Giuseppe, R. et al. (2008). Alcohol consumption and n-3 polyunsaturated fatty acids in healthy men and women from 3 European populations. American Journal of Clinical Nutrition, 89(1), pp. 354–362. doi:10.3945/ajcn.2008.26661.
- FNB & Anon. (2005). Dietary reference intakes for energy, carbohydrate, fiber, fat, fatty acids, cholesterol, protein, and amino acids. Washington, D.C : National Academy Press.
- Gebauer, S.K. et al. (2011). Effects of Ruminant trans Fatty Acids on Cardiovascular Disease and Cancer : A Comprehensive Review of Epidemiological, Clinical, and Mechanistic Studies. Advances in Nutrition : An International Review Journal, 2(4), pp. 332–354.
- Koletzko, B. et al. (2007). Dietary fat intakes for pregnant and lactating women. British Journal of Nutrition, 98(05).
- Kornsteiner, M., Singer, I. and Elmadfa, I. (2008). Very low n-3 long-chain polyunsaturated fatty acid status in Austrian vegetarians and vegans. Annals of nutrition & metabolism, 52(1), pp. 37–47.
- Marangoni, F. et al. (2004). Cigarette smoke negatively and dose-dependently affects the biosynthetic pathway of the n-3 polyunsaturated fatty acid series in human mammary epithelial cells. Lipids, 39(7), pp. 633–637.
- OMS (2003). Diet, nutrition, and the prevention of chronic diseases : report of a WHO-FAO Expert Consultation ; [Joint WHO-FAO Expert Consultation on Diet, Nutrition, and the Prevention of Chronic Diseases, 2002, Geneva, Switzerland]. Geneva : World Health Organization.
- O’Connell, J.M. et al. (1989). Growth of vegetarian children : The Farm Study. Pediatrics, 84(3), pp. 475–481.
- Rosell, M.S. et al. (2005). Long-chain n-3 polyunsaturated fatty acids in plasma in British meat-eating, vegetarian, and vegan men. The American Journal of Clinical Nutrition, 82(2), pp. 327–334.
- Sanders, T.A. and Roshanai, F. (1992). Platelet phospholipid fatty acid composition and function in vegans compared with age- and sex-matched omnivore controls. European Journal of Clinical Nutrition, 46(11), pp. 823–831.
- Toufektsian, M.-C. et al. (2010). Dietary Flavonoids Increase Plasma Very Long-Chain (n-3) Fatty Acids in Rats. Journal of Nutrition, 141(1), pp. 37–41.